Bonjour les amis,
Aujourd'hui, nous allons comparer deux excellents objectifs. L'un d'eux existe depuis 50 ans et est jusqu’à aujourd’hui le chouchou de quelques générations de photographes. L'autre est plus récent et peut être considéré comme son héritier lointain. Mais je préfère toujours les voir comme deux objectifs différents, malgré leur distance focale commune. Ces objectifs sont le Nikkor 35mm f/1.4 Ais, l'ancien, et le Nikkor 35mm f/1.4G, le plus récent.
Comme je vous l'ai déjà dit, je préfère les considerer comme deux objectifs différents, le but de cette comparaison n'étant pas de dire que tel ou tel objectif est meilleur que l’autre. C'est inutile. Surtout dans le domaine de la photographie où l'objectif n'est qu'un outil. Les qualités premières d'un photographe sont, et seront, toujours la créativité et la maîtrise de la lumière. Les objectifs et les appareils photo ne sont qu’un outil pour les mettre en oeuvre. Cependant, connaître vos objectifs et vos appareils photo est essentiel pour maximiser votre production créative.
La démarche d’aujourd’hui est donc de vous montrer les différences entre ces deux objectifs et les possibilités qu'ils offrent. Avant de creuser dans les détails techniques et les comparaisons approfondies, jetons un coup d'œil à ce que ces objectifs sont capables de faire en photographie réelle.
Nous allons maintenant approfondir les détails plus techniques :
Formule optique
Commençons avec le Nikkor 35mm f/1.4 Ais. Sa formule optique a été achevée en 1959 et s'est progressivement améliorée depuis, car cet objectif peut encore être acheté neuf aujourd'hui. Les principales améliorations apportées au fil des années sont l'intégration de revêtements modernes, ainsi que la mise à jour des diamètres de courbure de ses éléments, dans le but d'améliorer ses performances à pleine ouverture. Toutefois, la formule originale de 9 éléments répartis en 7 groupes a été conservée depuis (voir ci-dessous).
Le Nikkor 35mm 1.4G est quant à lui sorti en 2010. Son brevet a été déposé par son concepteur Haruo Sato au cours de l'été 2008. Elle se compose de 10 éléments répartis en 7 groupes. C'est un élément de plus que dans la version Ais, et si nous mettons les deux formules côte à côte (voir ci-dessous), nous pouvons constater qu'elles sont sensiblement différentes. De plus, la version 1.4G a un élément asphérique, ce qui aide considérablement à réduire les aberrations chromatiques et procure une uniformité sur toute la monture (en savoir plus sur les lentilles asphériques ici).
Construction
Du point de vue de la construction, les deux objectifs sont très différents. La version Ais équivaut aux 2/3 de la taille et du poids (400g) de la version G (600g). L'Ais est un objectif manuel et, comme tous les Nikkor des séries pré-Ai, Ai et Ais, il est entièrement métallique et est conçu pour durer quelques décennies (voire plus). Même le pare-soleil est en métal. Et comme la plupart des Nikkor des années 60, 70, voire 80, le pare-soleil d'origine est parfois plus difficile à trouver que l'objectif lui-même.
Selon la version, l'objectif manuel 35mm f/1.4 (c'est-à-dire K, Ai ou Ais) peut avoir un diaphragme comportant 7 ou 9 lamelles. Les versions Ais en ont toutes 9. Les versions précédentes en ont 7, excepté quelques versions pré-Ai assez rares avec 9 lamelles également. Le nombre de lamelles influent sur le flou d'arrière plan. Plus elles sont nombreuses, plus ce flou sera fluide, en particulier aux grandes ouvertures.
Une dernière chose très agréable dans la version manuelle (toutes les versions !) est qu'elle a un filetage de filtre de 52mm de diamètre, ce qui permet d'utiliser la taille de filtre la plus courante. De plus, les filtres plus petits sont toujours moins chers et plus faciles à trouver que les plus grands.
La version 1.4G est plus grande et plus lourde (600g), ce qui n'est pas surprenant étant donné qu'il s'agit d'un objectif autofocus, de surcroît avec un moteur interne. Le matériau du boîtier est difficile à décrire. Il s'agit probablement de plastique ou de magnésium. Un moyen efficace d'en être sûr serait de rayer le fût avec un objet pointu, mais vous ne m'en voudrez pas si je préfère rester dans le doute ici. Le capot et le filetage du filtre sont tous deux en plastique. Le filetage du filtre est de 67 mm, taille que je trouve personnellement étrange car elle limite considérablement l'utilisation de filtres, ces derniers étant loin d'être les plus courants.
Le 1.4G étant un objectif autofocus. Bien que plus gros et plus lourd, il est néanmoins très pratique pour prendre des photos où la rapidité est primordiale, comme les photos d'aquarium présentées ci-dessus.
Comparaisons
Pour moi, ces deux objectifs sont des créatures de la nuit, donc rien de plus logique pour commencer nos comparaisons que la photographie de nuit.
Ici vous avez la rue principale d'une petite ville, les deux photos prises avec le même appareil photo et les mêmes réglages à 5 minutes d'intervalle. La première chose que l'on peut voir au premier coup d'œil est que, bien que les deux images se ressemblent, celle prise avec le 1.4G est légèrement plus nette.
Mais comme le montre l'image suivante, un zoom sur l'image montre que l'Ais n'est pas mal du tout en netteté. En effet, à une image assez nette, se superpose une lueur douce qui est associée à l'aberration sphérique, et il est fort possible que la modification d'une des surfaces de l'Ais pour qu'elle soit asphérique conduise à des résultats encore meilleurs. Une autre chose que l'on peut remarquer est le rendu des lampadaires par chacun des objectifs. En effet, le 1.4G donne un rendu très agréable et contrôlé, alors que, pour le 1.4 Ais, ils sont plutôt flous. C'est bien sûr un autre effet de l'aberration sphérique que, dans ce cas, je préfère car le contraste rend l'image beaucoup plus intéressante.
Ensuite, si on ferme à f/2, l'Ais rattrape très vite le 1.4G. On voit aussi que les lumières sont désormais bien maîtrisées par les deux objectifs et on obtient le motif en étoile, plutôt recherché en photographie de nuit. Il existe toutefois toujours une différence entre les deux objectifs vers le bord de l'image, mais elle n'est visible que si vous regardez vraiment le détail au pixel près.
Si nous allons plus loin dans les petites ouvertures, prenons par exemple f/5.6, les résultats deviennent presque imperceptibles entre les deux objectifs. La seule différenciation possible se trouve au niveau des lumières en étoiles sur les images. Et malgré cela, il reste difficile de savoir quelle photo a été prise par quel objectif. La forme des étoiles n'a rien à voir avec la formule optique, mais sont le résultat de la forme du diaphragme. Le nombre de rayons équivalant 2 fois le nombre de lamelles d'ouverture. Chaque étoile dans les deux images a 18 rayons, ce qui indique que les deux diaphragmes doivent avoir 9 lamelles chacun, ce qui est le cas.
Que pouvons-nous conclure jusqu'à présent ? Ces deux objectifs sont d'une qualité tout à fait remarquable. Le 1.4G a une netteté supérieure à pleine ouverte, mais la différence entre les deux objectifs s'estompe dès que l'on ferme le diaphragme d'un cran.
Découvrons désormais comment ces objectifs réagissent sur des sujets en gros plan.
Nous avons pris ces deux images à la distance minimale de mise au point des deux objectifs, qui est d'environ 30 centimètres (ou 1 pied). Nous voyons ici déjà une grande différence. De près, le 1.4 Ais semble avoir légèrement plus de recul (et par conséquent une différence de focale) que son homologue moderne. De plus, l'Ais donne une impression de profondeur à la composition qui manque complètement au 1.4G (tout semble compressé dans le même plan). Côté netteté, à pleine ouverture, le 1.4G garde toujours son avantage, comme le montre le recadrage ci-dessous. Cependant, au moins pour la composition ci-dessus, la version Ais rend l'image plus harmonieuse dans son ensemble.
Mais donnons une autre chance au 1.4G, c'était peut-être juste le positionnement des éléments de l'image qui ne lui était pas favorable. Donc, nous avons déplacé un peu les poupées et changé l'arrière-plan pour avoir de belles bulles de bokeh derrière.
Maintenant, les deux objectifs donnent des images très intéressantes. La compression du 1.4G donne un rendu dramatique à la scène avec la poupée arrière compressée sur le plan avant et les subtiles bulles de bokeh. La version 1.4 Ais donne une sorte de look mystique avec une séparation claire entre les poupées arrière et avant et les bulles de bokeh fortement doublées. Ici, les deux objectifs fonctionnent à merveille, le choix du photographe dépendra plutôt du look et de la sensation recherchés.
La fermeture à f/2 n'apporte pas beaucoup de changements au premier plan, si ce n'est de le rendre légèrement plus contrasté pour les deux objectifs (voir les recadrages ci-dessous). A l'arrière plan, on peut voir l'influence des lamelles d'ouverture sur les bulles de bokeh. Pour rappel, les deux objectifs ont 9 lamelles d'ouverture, bien que celles de la version 1.4G soient arrondies pour créer des bulles de bokeh lisses, même si le diaphragme est fermé.
Fermer un peu plus, pour cette scène en particulier, n'a pas d'intérêt particulier, sinon l'augmentation de la profondeur de champ.
Pour conclure, les deux objectifs s'en sortent brillament. Les résultats que vous obtiendrez dépendront principalement de vos besoins et des situations dans lesquels vous les utiliserez. Si vous souhaitez immortaliser des sujets ouverts et en mouvement rapide, optez pour la version 1.4G. Si vous voulez (et pouvez) prendre votre temps et que vous désirez ce look vintage, mais néanmoins intemporel, alors la version 1.4 Ais est faite pour vous.
Nous ne prenons pas en compte l'aspect budgétaire dans ce comparatif, car les deux objectifs sont plutôt onéreux. Cela ne signifie toutefois pas que vous ne pourrez pas avoir la chance d'en obtenir un des deux à prix convenable.